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Notre histoire

Notre histoire

C’était un jour comme tant d’autres… J’observais un rouget dans le rayon poisson du supermarché près de la maison. Je savais qu’il n’allait pas finir dans notre assiette: trop cher le poisson frais pour une famille nombreuse. J’étais là, absorbé par la pitié que j’éprouvais pour quelques yeux éteints qui me fixaient, immobiles. Un coup bien assené à mon chariot me ramena brusquement à la réalité : je me retournai et regardai d’un coup mon agresseur. Les yeux vifs, d’une lumière intense, qui contrastaient de façon évidente avec ceux du rouget.
C’était Enrico. Il me dit, plus ou moins: « Tu ne me connais pas mais je sais que toi aussi tu as cinq enfants, comme moi. C’est à cause de cela que, ce poisson, tu ne l’achèteras jamais ; ensemble, par contre, nous pouvons faire tant de choses ». Cependant, j’avoue, je ne donnai pas beaucoup de poids à ses paroles. Et même, je m’en débarrassai avec un salut superficiel et je le leurrai, du moins je le pensai, avec un « au revoir et à la prochaine ». Mais je n’avais pas pris en comptes la constance, la persévérance, la ténacité qui distinguent un père de famille nombreuse: trois adjectifs renforçant le même concept. Et bien sûr, j’aurai dû le savoir, étant donné que je suis moi aussi père de famille nombreuse. Et en effet, seulement quelques heures après, Enrico sonnait déjà à la porte de notre maison. Entré, il s’assied et relance le concept : seuls, nous ne comptons pas, ensemble nous pouvons trouver des accords commerciaux, faire des conventions, prétendre et obtenir l’écoute des institutions, envoyer des signaux positifs à la société. Enrico continua dans un flot de paroles : quand arrivent chez toi les factures à payer, glaciales et sûres de leur omnipotence, elles te regardent avec l’air arrogant sur la grande table de la maison où tu les as posées. Austères, elles attendent en silence, compassées: elles savent que bientôt elles recevront le tribut de la quittance et peu leur importe si c’est uniquement grâce à de grands sacrifices et renoncements. Parce que si tu ne les payes pas, tes enfants se retrouveront dans le froid et le noir le jour d’après. Elles, les factures, impétueuses, elles savent cela : alors qu’elles semblent être d’humbles morceaux de papier, elles ont, au contraire, le pouvoir de vie ou de mort, de sérénité ou de tristesse, de joie ou d’angoisse sur nos destins familiaux immédiats. Comme le voyant rouge du réservoir de la voiture, une grande voiture, payée à un taux démesuré, parce que les grandes voitures ne sont jamais aux prix du marché ou des offres spéciales. Ce voyant aussi, arrogant, chaque fois qu’il s’allume, sait qu’il provoquera un sursaut dans ton cœur ; il sait que tu diras : « Oh, non, de nouveau ! ». Il se réjouit, le voyant du réservoir, chaque fois qu’il te l’entend dire: lui il sait que tu ne pourras pas le garder allumé bien longtemps. Et, quand, devant la pompe à essence, gargouillant orgueilleusement, les litres de liquides nauséabonds entreront, un prix considérable de ton précieux salaire engraissera les accises superlatives qui pèsent sur le liquide lui-même. Parce que la guerre de l’Abyssine et le tremblement de terre de Belice, présentent encore l’addition, disent-ils. Et le voyant, heureux de t’avoir humilié encore une fois, retournera au silence pour t’attendre au prochain tournant: « sot, tu ne peux pas te défaire de moi, tu as trop de fils à conduire à l’école, à l’oratoire, aux activités sportives, … je retournerai bien vite te trouver et je te punirai pour t’être ouvert à la vie, oh et comment, je te punirai ! »
Toutes les idées qui ont d’énormes conséquences sont toujours des idées simples, écrivit Tolstoï. L’Association a des idées et se pose des questions simples, tellement simples que quelconque administrateur publique devrait se les être posées avant nous depuis longtemps, très longtemps : pourquoi, par exemple, nous qui sommes peut-être une famille avec sept enfants et un seul revenu, devons-nous payer plus que sept personnes seules ou plus que trois couples et une personne seule, qui au contraire ont respectivement sept et quatre revenus ? Pourquoi donc les couples de fait en Italie ont-ils plus de droits que les couples de droit ? Dans ma famille en effet, on fait la somme des revenus seulement parce que nous sommes mariés, alors que pour deux cohabitants ou deux faux séparés on ne fait pas la somme et donc ils paient moins de droits. Les droits doivent être les mêmes pour tous, si non ce sont des privilèges, n’est-ce pas ? Et pourquoi pour inscrire les enfants à l’école, pour acheter les livres, pour les envoyer à la cantine, pour payer le billet de bus chaque enfant vaut « un » alors que lorsque je compile l’ISEE pour avoir une aide de l’Etat il vaut seulement 0,35 ? Et pourquoi l’eau au mètre cube pour l’usage de l’habitation a un coût social plus élevé que le coût zootechnique ? Pourquoi donc les vaches peuvent-elles boire à volonté et également prendre une douche, alors que mes enfants ne reçoivent même pas l’eau suffisante pour se laver les dents ? C’est mieux d’élever des vaches que des enfants: mais quelle sorte de société est donc celle-ci ? Et surtout, pourquoi lorsque nous disons cela à nos dirigeants, ils ne comprennent pas qu’il en va de l’avenir du pays ? Pourquoi les yeux qui nous regardent, ennuyés, sont tellement similaires à ceux du rouget du supermarché voisin ? Quand ça va. Parce que quand ça ne va pas, on entend dire que nous sommes des inconscients, que personne ne nous a obligé à avoir tant d’enfants, que nos enfants sont un poids pour la société, que nous sommes déjà trop en Italie. Jusqu’à la vulgarité : que nos femmes sont toujours en chaleur. Vous pensez que c’est une phrase trop forte pour se trouver dans un rapport de fin de mandat ? Pour qui lit et n’a pas de famille nombreuse oui, mais pour nous pères et mères – qui l’entendons humiliés et impotents chaque jour, qui avons appris à retenir les larmes face aux insultes – nous ne sommes pas désolés parce que nous devons vivre avec cette phrase vulgaire tous les jours. Qui dit « vulgaire », de « vulgaris », dit simplement diffusée. Ce soir là, nous parlâmes de cela et d’autres choses. Ensuite Enrico rentra chez lui, également dans le Quartier de Brescia. Un nom, un destin. Personne, ni Egle et Mario, ni Angela et Enrico, ne savait que, ce jour-là, nous avions commencé une nouvelle, splendide aventure. Ce fut facile pour moi, conseiller communal, d’avoir accès aux données des 468 familles nombreuses de Brescia. Ce fut encore plus facile de trouver la première personne parmi la série remarquable d’hommes et de femmes qui depuis lors nous suivent et nous encouragent avec affection. C’était don Alfredo, le prêtre de notre mariage qui nous offrit gratuitement le théâtre paroissial. La petite Marialetizia à sept ans commença son opéra, qui continue encore aujourd’hui, en commençant comme secrétaire de l’Association, liant, enveloppant, étiquetant et timbrant les lettres qui partirent contenant l’invitation officielle au « Premier Forum des familles nombreuses de Brescia ».
Nom pompeux, qui promettait. En effet, ce soir-là, dans la paroisse Saint Filippo Neri del Villagio Sereno, ils y avaient une centaine de familles prêtes à relever le défi. Certaines parmi celles-là voulurent en faire plus : se retrouver pendant six mois, tous les quinze jours, chez nous pour élaborer une Charte des Valeurs et un Statut pour notre Association. C’étaient Franco et Gabriella, Giorgio et Donatella, Stefano et Germana, Gianni et Cristina, Enrico et Angela, Mario et Egle. Douze comme les apôtres. Et personne qui a trahi. Constance, espérance, fois et charité : ainsi a commencé une belle histoire. Le reste je ne le raconte pas, vous le savez vous aussi parce que cette histoire, vous l’avez construite. A partir du jour où j’ai été à l’administration de l’Enregistrement pour la première fois engageant une bataille sans fin contre la bureaucratie et l’indifférence, l’Association a commencé à exister vraiment seulement grâce à vous. A vous, Alessandro et Mariuccia da Valdagno, les premiers d’entre les non habitants de Brèche à s’inscrire, à vous Pierluigi et Francesca, présents au forum de Brèche et provenant de Modène, lointaine à cette époque, aujourd’hui voisine par rapport à Alghero, Volla, Catane, Martina Franca. A toi frère, sœur, parent, qui as cru en nous sans même nous connaître et as accepté de t’associer ou de devenir coordinateur dans ton village, ta ville, ta province, ta région d’une Association d’un nom nouveau et aussi familier et doux : familles nombreuses. C’est toi que je veux remercier, pour avoir commencer à réécrire l’histoire de la famille nombreuse dans ce Pays. C’est vrai que, comme chante le poète : « l’histoire c’est nous, personne ne se sente exclus… c’est nous, belle ciao, qui partons… nous sommes ce plat de grains… ». A toi qui aujourd’hui es en première file avec nous, à toi qui sais bien ce que veut dire : « on ne peut plus reculer, seulement aller de l’avant », parce que tu l’as dit tellement de fois, regardant la couleur bleu du test de grossesse, et n’ayant jamais pensé, même pas pour un instant, qu’une nouvelle vie aurait été un poids pour ta famille. A toi, je te dis merci, et une certitude : nous ne mettrons pas au freezer nos rêves, parce que nous savons que, en les décongelant, nous les trouverons tous morts. A toi, je veux te dire merci aussi au nom de l’Église, même si peut-être tu n’es pas croyant, tu as fait tiennes « les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout et de toutes les couleurs qui souffrent ». Tu as donc fait tienne l’invitation qui ouvre un des plus splendides documents jamais composés, la Gaudium et Spes, guide sûre pour l’engagement des laïcs d’aujourd’hui qui recherchent la solidarité et la cohabitation, la paix et l’amour, la vérité et la justice, l’égalité et le partage. À toi, qui reçois depuis toujours le sourire miséricordieux de Dieu – qui est Père de famille très, très nombreuse – aujourd’hui te reviens également notre sourire de gratitude pour avoir accepté de partager cette nouvelle aventure. Sommes-nous de religions diverses ? Tant mieux, Dieu est polyglotte et il nous envoie de toute façon de bons traducteurs, des personnes dociles et humbles, il nous comprendra et nous nous comprendrons certainement. Quelqu’un s’est demandé comment est-il possible qu’une Association à peine née comme celle-ci, sans fonds, sans saints au paradis (tout en minuscules parce que des Saints nous en avons, et comment, une armée entière au paradis), avec des « dirigeants » qui utilisent une partie de ce qui leur reste de temps libre en faveur de l’Association après le travail, la famille, les activités quotidiennes ; qui consacrent leurs jours de congés à courir des tous côtés pour atteindre les représentants des pouvoirs politique et économique, social et ecclésiastique, à prêcher une cause juste ; qui voyagent en deuxième classe pour rejoindre Rome, marchent beaucoup à pieds et peu en taxi et mangent seulement des sandwichs, quand tout va bien, qui payent de leur propre poche les factures de téléphone kilométriques; qui écrivent et parlent dans un italien peut-être peu cultivé, qui savent un peu de tout et rien de spécifique, qui justement pour cela se sont mis à étudier tant et plus que leurs fils.
Quelqu’un – disais-je – s’est demandé comment une armée male assortie comme celle-ci avait réussi à obtenir en peu de temps des résultats si appréciables. À celui-là ne lui répondons pas méchamment. Invitons-le à sortir de cette pièce, aujourd’hui, et à regarder dehors : là se trouve la réponse. Dans les cris joyeux de nos enfants, dans leurs jeux, leurs erreurs et leurs chefs d’œuvre, dans leurs rêves, leurs regards, leurs projets, leurs sourires, dans leurs fatigues et leurs objectifs atteints et dépassés, dans leurs baisers et embrassades à papa et maman, dans leur apprentissage à partager et à vivre la solidarité, la générosité entre frères et sœurs. C’est là, entre eux et avec eux que vous trouverez la réponse à votre demande. Regardez-les et vous comprendrez. Un proverbe espagnol dit : « Parler des taureaux, ce n’est pas la même chose que d’être dans l’arène ». Préparez-vous, italiens, braves gens : préparez-vous parce que vous ne nous arrêterez plus. Nous sommes des gens qui « donnant de bons conseils ne peuvent plus donner de mauvais exemple », comme chantait le poète génois. Nous sommes dans l’arène. Nous jouons à mains nues et cartes sur table, aucune loge maçonnique ou nouvelle secte ésotérique ; nous vous le disons avec clarté ce que nous sommes et ce que nous voulons. Nous avons une seule passion : changer, de suite, l’attitude pessimiste et ennuyée adoptée en ce qui concerne la famille nombreuse, attitude qui tenaille ce Pays. Nous voulons la transformer en une culture du « oui à la vie, oui au futur ». Et nous la changerons. Dans le blog du site Radicali.it on parle de nous, encourageant le lecteur à serrer les rangs : « voilà, nous avons un nouvel ennemi clérical à affronter ». Comptez-y ! Maîtres de l’individualisme et de l’égoïsme, Maîtres de l’hédonisme et du libertarisme, comptez-y. Ces Messieurs ont-ils déjà vu notre communiqué social ? Non ? Qu’ils le regardent: en trente secondes il y a tout un programme. C’est notre programme. Que ces Messieurs se préparent, il va falloir ajouter des places à table : les familles nombreuses sont de retour. Et elles comptent bien rester.

Mario e Egle Sberna, presidents.