Le changement démographique, aussi important que le changement climatique !

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    Avec cette différence que le premier offre plus d’opportunités que le second. C’est ce qu’ont fait remarquer plusieurs chercheurs au cours du troisième Forum européen sur la démographie, organisé à Bruxelles par la Commission de l’Union européenne les 22 et 23 novembre. Décideurs politiques, associations représentant la société civile, partenaires sociaux et experts y ont échangé leurs idées sur la dimension démographique de la stratégie Europe 2020 ; deux des principales questions évoquées concernent de plus près le domaine de la conciliation famille-travail, notre spécialité: la promotion du vieillissement actif, et l’aide à apporter aux familles pour assurer la solidarité entre les générations.

    Depuis 2008, la Commission européenne développe une nouvelle stratégie, « Europe 2020 », dont le but est de générer une croissance intelligente, durable et inclusive, et qui a été adopté par le Conseil en juin 2010. Comme l’a souligné dans son introduction le Commissaire à l’emploi et aux affaires sociales László Andor, plusieurs des cinq objectifs de ce programme concernent spécialement le sujet de ce Forum démographique ; nous avons spécialement suivi deux d’entre eux, soit assurer un emploi à 75% de la population âgée de 20 à 64 ans, et réduire de 20 millions – de moitié – le nombre de personnes de l’UE en risque de pauvreté : pour mémoire, la grande majorité de ces personnes à risque sont des femmes.
    Dans la situation de vieillissement de la population, note le Commissaire, il va falloir dédier 50% en plus du PIB à la protection sociale pour la maintenir au niveau actuel, ou alors, soit augmenter les taxes, soit diminuer la protection sociale dans d’autres domaines.
    D’autre part, comme ce sont le plus souvent les femmes qui laissent tomber leur emploi pour s’occuper de leurs enfants ou d’un parent âgé, si elles reçoivent une compensation fiscale ou sociale, l’économie et le marché de l’emploi souffrent de ce manque de bras : les politiques familiales doivent donc trouver un juste équilibre entre le maintien de l’économie et celui de la protection sociale. D’où la nécessité d’une nouvelle génération de politiques familiales, spécialement aiguë en ce temps de crise, conclut le Commissaire: sujet à surveiller, concluons-nous à notre tour.

    Dans notre situation démographique actuelle, la migration et la longévité jouent un rôle particulier. La migration est aujourd’hui, au 21ème siècle, la première dynamique de la démographie en Europe, avant les naissances. Elle continue d’augmenter et joue donc un rôle important dans le développement de l’Union européenne. Cependant, cette augmentation ne suffira pas à renverser le déficit démographique.

    Une formule originale de travail flexible
    L’espérance de vie est, elle aussi, en augmentation constante. James Vaupel, directeur de l’Institut Max Planck de recherche démographique à Rostock en Allemagne, montre qu’actuellement l’espérance de vie grandit de 3 mois chaque année, soit 4h chaque jour ; les enfants nés depuis 2000 ont la probabilité de vivre jusqu’à 100 ans. Dès lors se pose la question de comment gérer sur une si longue période le paiement des pensions et l’augmentation du coût des soins de santé.
    Il existe un consensus sur les politiques européennes à mener : d’une part encourager la contribution active des personnes âgées, et de l’autre leur permettre de rester le plus longtemps possible autonomes. C’est ainsi que la Commission a proposé que 2012 soit l’année du vieillissement actif.
    Dans ce contexte, dit le Professeur Vaupel, si le 20ème siècle a été celui de la redistribution des revenus, le 21ème devrait être celui de la redistribution du travail. Aujourd’hui la vie professionnelle est concentrée sur la tranche d’âge 30-50 ans, quand la charge familiale est la plus forte. Il suggère de l’étendre sur la tranche 20-65 ans, en permettant de choisir de travailler moins, soit 20 à 25 heures par semaine, à certains moments de la vie professionnelle. Ainsi la plupart des emplois pourraient être coupés en deux tranches de 20h, afin d’encourager la flexibilité, la souplesse et le pouvoir de faire des choix dans la vie professionnelle. L’idée est séduisante mais suppose de revoir certaines rigidités institutionnelles et légales.
    Pour qui voudrait approfondir la question, nous recommandons un article du Professeur Vaupel paru dans Nature en mars dernier, et qui développe la question :

    www.nature.com/nature/journal/v464/n7288/abs/nature08984.html
    Le volontariat – sur lequel notre attention sera attirée durant toute l’année prochaine, année européenne du volontariat – est également une composante de la contribution active des personnes âgées. Par exemple, celles-ci peuvent apporter une aide bénévole aux familles avec enfants. Ce genre d’initiative est d’ailleurs développé, entre autres, par l’association autrichienne qu’on trouvera sous le lien
    www.familie.at

    Toutefois le volontariat ne suffit pas. L’encouragement du vieillissement actif requiert des leviers, comme la création d’infrastructures favorables, ou les projets d’activités qui permettent aux populations d’âge différents de vivre ensemble et qui évitent à la personne âgée de rester isolée.
    Il ne faut pas oublier non plus que le senior est un sujet à part entière, qui garde le droit de prendre part aux décisions politiques qui le concernent.
    Anne-Sophie Parent,directrice d’AGE Platform Europe, a insisté sur le rôle vital des familles dans le soin qu’elles apportent à leurs proches : enfants et parents âgés. Très souvent, ce sont les femmes qui font le choix de prendre congé pour assumer cette responsabilité, avec les conséquences négatives que cela entraîne pour l’évolution de leur carrière et le calcul de leur pension. La demande pour s’occuper des siens est forte. C’est pourquoi il convient de la valoriser en créant des politiques qui supprimeront les obstacles et discriminations y afférentes.

    Une table ronde le deuxième jour examinait comment les politiques familiales peuvent assurer la solidarité entre les générations.
    Jana Hainsworth, secrétaire générale du réseau Eurochild, a mis l’accent sur la nécessité de faciliter le développement de l’enfant. Au plan émotionnel et social, celui-ci est largement conditionné par les trois premières années, les parents doivent donc disposer de temps pour lui, à commencer par un congé de maternité idéalement de 24 semaines pour faciliter l’allaitement. Les parents ont aussi besoin d’orientation, d’information et de ressources diverses pour apprendre à élever leurs enfants, un art qui n’est pas inné… Autre facteur décisif, la qualité des structures d’accueil, qui devraient poursuivre pour but principal le développement de l’enfant.
    Monika Queisser a présenté les bases de données de l’OCDE sur la famille, qu’on peut trouver sous les liens suivants :
    www.oecd.org/els/social/famille/basededonnees
    www.oecd.org/els/social/childwellbeing
    Ralf Jacob, chef de l’Unité d’Analyse sociale et démographique de la Commission, a explicité le point de vue de l’UE sur les politiques familiales : vu la diversité de situations que recouvre le mot de famille, celui-ci ne saurait être défini ; l’aide aux personnes âgées et l’accueil de la petite enfance, par exemple, recouvrent des réalités bien différentes. Il a souligné le rôle que peut jouer l’Alliance européenne pour les familles en présentant des exemples de bonnes pratiques, tout en rappelant qu’en matière de politiques familiales ce sont les états membres qui sont compétents et non l’UE.

    Des propositions intéressantes sont venues des associations représentées, comme celle d’introduire la perspective familiale, ou family mainstreaming, dans toutes les politiques publiques, de façon à créer une Europe « familialement responsable ».

    Si beaucoup d’interventions ont mis l’accent sur la démographie comme instrument de l’économie, et sur la nécessité prioritaire de soutenir l’emploi, bien d’autres, notamment en provenance des associations, ont redit l’importance des facteurs humains et qualitatifs, apportant ainsi un complément indispensable à la perspective économique.

    Joëlle Hennemanne
    Gabrielle Chabert

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